ENTRETIEN DU LUNDI - Guillaume Gille : « Je me situe dans l’action »
À l’occasion de la semaine internationale dédiée aux qualifications à l’Euro 2018, Guillaume Gille a débuté sa mission d’entraîneur auprès de l’équipe de France. Fort de son formidable palmarès et de ses 15 années dans la maison bleue, l’ex demi-centre a pris ses marques au sein d’un staff obsédé par le Mondial 2017.
Comment as-tu pris tes marques lors de ce premier rassemblement depuis ta nomination le 28 septembre ?
Ces matches officiels ont permis de se situer dans la nouvelle configuration de l’encadrement de l’équipe riche d’enseignements concrets sur ce qu’il faut que nous arrivions à optimiser. C’est une véritable expérience de management à deux : la semaine a été très riche. Si je connais bien la maison dans laquelle j’ai beaucoup œuvré, j’ai découvert un nouveau rôle et une autre manière d’appréhender les différentes étapes et moments de vie dans le groupe. Avec Didier Dinart nous avons beaucoup échangé, discuté et réfléchi afin de dessiner les contours de notre fonctionnement, notamment sur notre articulation, la gestion de l’équipe, la planification, les associations des joueurs…
Didier Dinart entraîneur spécialisé sur la défense et Guillaume Gille en charge du secteur offensif : est-ce une caricature ou une réalisé de terrain ?
Le travail de Didier, au moment de son arrivée en équipe de France, était plus centré sur la défense. Au fil des années, il est allé bien au delà de la défense pour finalement s’occuper de l’ensemble des secteurs. Donc arrêtons de dire que Didier est un entraîneur de défense et de la même manière celui qui lui est associé aurait un registre spécifique. Il ne s’agit pas de distinguer le travail des uns et les autres. Nous faisons partie du même staff et notre seul objectif, c’est la performance de l’équipe de France. Avec Didier, nous échangeons sur tous les secteurs et sur ce qui paraît essentiel à nos yeux. J’apporte mon expertise sur l’ensemble des dimensions du jeu et je suis pleinement associé à toutes les décisions.
Didier et toi vous faisiez partie des cadres... Depuis vos retraites, qui a pris le relais ? Quels changements as-tu observé ?
Le leadership est une donnée essentielle des dynamiques de groupe. Cette équipe est riche de ses nombreux points d’ancrage qui lui donnent beaucoup de forces et d’approches différentes. Nikola Karabatic et Daniel Narcisse, avec leur énorme palmarès, sont aussi très importants car ils sont garants du système.
Ils ne sont pas les seuls…
Nos ailiers, Mickaël Guigou et Luc Abalo, sont un peu moins concernés dans la construction du jeu mais de part leurs qualités et leur influence, grâce aussi à leur panoplie très large, ils jouent un rôle très important. Un garçon comme Cédric Sorhaindo, dans la progression qu’il a connue, crée beaucoup de liens et concourt à l’intégration des nouveaux venus. Thierry Omeyer est quelqu’un qui continue de marquer l’histoire de notre équipe et de notre sport par ses performances malgré son âge avancé… Et je sais de quoi je parle (sourire). Kentin Mahé, Valentin Porte et Luka Karabatic ne sont plus des petits jeunes mais des joueurs qui fréquentent l’équipe de France depuis plusieurs saisons. Le leadership repose finalement sur beaucoup d’individus qui sont tous dépositaires de la marque équipe de France.
Plusieurs joueurs ont été tes coéquipiers, comment te positionnes-tu avec eux ?
Pour une grosse poignée d’entre eux en effet, je les connais très bien. Notre passé commun n’est pas à oublier, ni à renier. On ne peut naturellement pas tirer un trait sur toutes ces années passées ensemble et les émotions partagées. Il faut aussi être capable de dissocier ce qui nous amène à être aujourd’hui ensemble. Cette relation s’enrichie par la responsabilité que l’on a vis-à-vis d’eux, dans notre capacité à créer les conditions favorables à la performance. Chaque jour, nous sommes confrontés à un tas de décisions. il faut avoir une posture adaptée à la situation…savoir trancher comme savoir s’appuyer sur la richesse du groupe pour l’accompagner d’une manière optimale.
Quels entraîneurs et quelle école t’ont inspiré ?
Je ne me projette pas dans ma mission d’entraîneur en fonction de mes références passées. Je ne me retourne pas pour faire le bilan car je me situe dans l’action. Je m’engage avec beaucoup d’enthousiasme et de passion dans le projet et l’actualité qui sera la notre dans les prochaines semaines.
En revanche, je pense à tous ceux qui m’ont permis de m’éveiller et de me construire. Les éducateurs du HBC Loriol, mon premier club, m’ont permis de découvrir l’activité en lui donnant du sens…faire ensemble avec comme trait d’union le ballon! Le Handball demeure notre support pour vivre des aventures humaines et partager des émotions.
Claude Onesta est désormais le Manager général de l’équipe de France. Comment s’est-il positionné lors de cette semaine internationale ?
Cela s’est passé comme dans une équipe qui étrenne une nouvelle organisation. Nous sommes en train de construire les bons modes de fonctionnement, dans une relation de grande proximité avec Claude. Son vécu et son expérience sont des ressources importantes sur lesquels on peut compter. Cette semaine a été très riche aussi pour lui. Claude nous laisse de l’autonomie : cela se traduit par très peu d’interventions au quotidien. Il continue à porter le projet en nous laissant la liberté d’agir à notre guise.
Que t’apportent tes autres activités de consulting ?
Très clairement le projet de l’équipe de France requiert mon entière disponibilité. La mission le justifie et les échéances à venir sont très importantes. Concernant le temps libre qu’il me reste, je l’organise entre les clubs de Toulon, d’Aix-les-Bains et les interventions en entreprise. Quelle que soit la mission, je souhaite cet équilibre car toutes ces expériences sont riches.
Quel regard livres-tu sur l’évolution des règles ?
C’est un bilan mitigé. Quelques éléments ont été simplifiés comme la fin du match et la sanction des fautes dans les 30 dernières secondes. Le jeu passif a aussi été clarifié afin de mieux encadrer ces situations spécifiques. En revanche, la possibilité de changer en permanence le gardien par n’importe quel joueur, est une option qui transforme beaucoup l’activité. Je trouve que cela dénature de plus en plus le jeu. Par exemple, le un-contre-un est moins prégnant et transforme beaucoup les savoir-faire.
Trouver les options et les parades à ces nouvelles règles vous occupent-elles beaucoup ?
Il y a nécessairement beaucoup de choses à explorer et des stratégies à inventer. Tous les staffs des équipes s’affairent à trouver les bonnes parades pour utiliser ou être le mieux armé avec la règle du gardien. Cela élargi le travail de l’entraîneur, offre de nouvelles opportunités et la possibilité d’écrire de nouvelles pages dans les livres dédiés à la technique.