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Publié par fean73

Entretien du Lundi - Olivier Krumbholz : « Les jeunes ont besoin des anciennes qui ont besoin des jeunes. »

Double champion du monde, vice-champion olympique et triple médaillé de bronze à l’Euro, Olivier Krumbholz conduira les Bleues pour la deuxième fois en France, sur une compétition majeure. À la veille d’annoncer le groupe de dix-huit joueuses qui s’envoleront vers la Norvège pour disputer la Golden League, il aborde de nombreux aspects sur et autour de l’équipe de France qui débutera l’EHF EURO 2018 le jeudi 29 novembre à Nancy à 21h, face à la Russie.

Quelles sont les qualités de l’équipe de France pour briller sous les feux des projecteurs de l’EHF EURO 2018 ?
Nous avons une équipe qui fait une promotion extraordinaire du Handball ainsi que la promotion de la réussite des femmes en France. Les joueuses sont des porte-drapeaux. Cette équipe est très entreprenante et elle est très mobile défensivement. Elle développe des stratégies audacieuses. Notre métissage nous apporte des qualités exceptionnelles et donne un caractère très spectaculaire à l’équipe. De plus, la fédération est stable et décomplexée avec une culture de la victoire bien ancrée.

L’exigence de la victoire ne sera t’elle pas trop difficile à porter pour l’équipe de France féminine ?
C’est difficile car le sport féminin n’est pas assez soutenu à cause des mauvaises habitudes prises en France. Cet Euro est un levier pour voir les choses différemment, que les femmes soutiennent la seule équipe féminine championne du monde. On est plus de 50 % de femmes et je dis « on » ! Les femmes qui se battent pour la parité et l’égalité doivent se reconnaitre dans l’équipe de France féminine et la soutenir.

À quel niveau se situe l’équipe de France dans sa préparation à l’EHF EURO 2018 ?
Nous avons bénéficié d’une préparation plus importante avec un stage supplémentaire en octobre, après le lancement de la préparation pendant l’été. Nous avons bien travaillé au niveau tactique, en particulier sur le plan de l’attaque. Sur la défense, c’est la mise en œuvre de notre savoir-faire et cela ira vite avec les enjeux et la motivation. Au niveau physique, on ne fera pas de miracle, nous tenterons de faire récupérer les joueuses. 

Il reste désormais une dizaine de jours avant le coup d’envoi à Nancy, le jeudi 29 novembre…
Il faudra surtout être très synthétique, travaillé vite et bien sur la fin, notamment sur la partie vidéo. J’aimerais bien que la Golden League en Norvège se déroule mieux qu’au Danemark. On ne va pas non plus mettre une pression énorme sur cette compétition. Si on devait perdre les six matches précédents le Championnat d’Europe, cela ne nous empêcherait pas de penser qu’on peut faire un grand résultat.

Combien de joueuses comptes-tu retenir pour l’étape de Golden League en Norvège et comment le groupe va-t-il évoluer jusqu’à la sélection définitive ?
C’est très complexe ! Des tests physiques seront effectués en début de stage. Nous partirons à 18 joueuses en Norvège. On ne pourra pas sortir une liste de 16 avant la veille du premier match de l’Euro. On rassurera celles qui en auront besoin de l’être et on sera clair avec celles qui ne seront plus en course pour figurer dans les 18. Il y a beaucoup de possibilités de changement (2 par tours) et à ce titre il faudra maintenir un maximum de joueuses.

Vous avez déjà effectué deux stages dans la Maison du Handball. Est-ce le nouvel atout des équipes de France ?
C’est un outil magnifique qui le sera encore plus lorsqu’il sera totalement opérationnel. Avec la présence des artisans, nous n’avons pas encore toute l’intimité voulue. Le système vidéo n’est pas encore opérationnel mais quand il le sera, ce sera sur une plus-value absolue. Dans la Maison du Handball, la vie est agréable. Il n’y a pas de perte de temps, la salle de restauration est vraiment conviviale. La MDH est clairement un plus.

Le match d’ouverture face à la Russie sera extrêmement important pour bien débuter l’EHF EURO 2018. N’est-ce-pas un rendez-vous piégeux ?
Je crois que ce serait peut-être encore plus piégeux de jouer l’un des deux autres de la poule. Notre équipe se met facilement en danger si elle flâne. Ce serait une bien mauvaise nouvelle de débuter par une défaite mais je prends plutôt le calendrier comme il vient. J’y vois les aspects positifs : ce match cela lancera l’Euro sur une dynamique exceptionnelle. Si les Russes sont au-dessus de tout le monde comme elles l’étaient lors des Jeux Olympiques de Rio 2016, nous pourrions peut-être avoir le droit à l’erreur. Au moins cette affiche implique de jeter toutes les forces. Et ce n’est pas un cadeau pour les Russes de jouer la France d’entrée.

Avec la Slovénie et le Monténégro, le groupe B n’est-il pas plus homogène qu’il n’y paraît ?
Les trois matches du Tour préliminaire seront totalement différents. Il faudra très bien jouer tactiquement. Les équipes arriveront au grand complet. Le Monténégro s’est renforcé avec ses deux ailières. Nous l’avons battu au dernier Mondial et depuis, une nouvelle dynamique s’est installée avec deux nouveaux coaches qui ont, à mon avis, un bon feeling avec les joueuses. Cela promet du plaisir. Il n’y a plus de petites nations : la Slovénie, la Pologne, la République tchèque… Il faut s’attendre à des surprises au Tour préliminaire.

Après le titre mondial de 2003, l’équipe de France avait connu deux années sans podium. Comment s’appuyer sur cette expérience pour ne pas connaître de rupture dans la performance ?
Il peut en effet y avoir une forme de relâchement après une telle victoire. C’est le grand danger de la gestion après un titre. En ce sens, c’est bien d’avoir une compétition à domicile. Les filles ont depuis toujours exprimé leur énorme motivation pour cet Euro en France. Elles en ont d’ailleurs parlé très rapidement après le titre. Notre travail est de les aider, de les accompagner pour essayer d’identifier les petites difficultés dans le domaine mental.
 

Depuis ton retour en 2016 à la tête de l’équipe, le staff s’est étoffé, notamment d’un préparateur mental dont certaines filles ont loué l’importance. Avec Richard Ouvrard, avez-vous prévu un travail spécifique ?
Lorsque je fais venir quelqu’un dans le staff, il a toute la latitude pour exercer sa compétence. Cela serait cocasse, au regard de sa fonction, s’il n’anticipait pas. Nous sommes en alerte et j’échange beaucoup avec Richard mais je ne le téléguide pas. Il est guidé par sa propre démarche. À lui de gérer l’information et de se projeter pour être le plus performant possible et mobiliser les troupes dans les moments importants.

Un travail mental collectif mais pas seulement sur une compétition où la pression sera plus importante car disputée à domicile…
Il y a beaucoup de travail individuel à réaliser. S’il faut aider des joueuses, ce sont les jeunes en particulier. Elles ont un potentiel énorme et un rôle fondamental à jouer mais elles ne sont pas encore stabilisé au niveau émotionnel. Si les anciennes expriment le besoin d’être aidé, tant mieux, mais si elles doivent faire dérailler le train, rien n’empêchera qu’il déraille

As-tu une revanche à prendre par rapport au Mondial 2007 organisé en France ?
Je ne l’envisage pas sur le plan personnel. J’ai plus l’idée d’une responsabilité sur le plan collectif. J’ai fait partie de l’organisation du Mondial 2017 masculin et je suis resté très proche de ceux qui organisent l’EHF EURO 2018. Je vois tout le travail effectué et je sais l’importance du résultat l’équipe dans la réussite de l’événement. Depuis la finale des J.O., les joueuses prennent la lumière et elles ont changé de statut. Je ne suis pas sûr qu’il faille forcer le trait. Je ne vois pas des pièges partout. Elles vont réguler. Nous avons une grosse expérience mais bien sûr il faudra être vigilant.

Lorsque tu es revenu à la tête des Bleus en janvier 2016, un bail de deux ans était alors évoqué…
Les choses changent très rapidement. J’ai toujours dit que tant que j’ai la confiance des joueuses, je me sens la force et la compétence de continuer. Je ne veux surtout pas être un jour un poids ou un frein. Il n’y a pas d’enjeu majeur sur ma carrière. Si le résultat est bon, il n’y aura pas de questionnement. Dans le cas contraire, il faudra débriefer.

La forme physique des joueuses avait fait leur force l’an passé en Allemagne. Arriver le plus frais possible sur les matches décisifs est-il toujours ton leitmotiv ?
Aujourd’hui encore plus car nous sommes dans une forme d’urgence. Un Euro est encore plus exigeant, sans la moindre respiration alors qu’un Mondial comporte parfois un match permettant de faire souffler des filles qui bénéficient d’un break de 3-4 jours. L’Euro est un sprint du début à la fin.

Le managérat sera la clef ?
Il faut être le plus cohérent possible sur les temps de jeu. Le turnover permanent avec des temps de jeu courts est difficile à gérer pour les joueuses qui parfois ont besoin de temps pour s’installer. L’objectif est de créer des paires et des associations qui puissent durer 20-25’ plutôt que 10-12’. Il faut réfléchir pour gérer intelligemment les rotations et les physiques. Mon managérat n’a pas fonctionné sur la Suède en demi-finale du Mondial. Des gens, très proches de moi, me l’ont reproché. Il fallait rester arcbouté sur cette stratégie car nous avions besoin des forces de l’équipe en finale. Et celle qui a joué seulement quelques minutes, a la même responsabilité que ses partenaires.

Quelle sera ta ligne de conduite et en quoi la constitution de liste sera-t-elle impactée ?
La prise de risque est permanente et totale. Si je fais jouer seulement les championnes du monde, ce sera un choix évident. Si ma stratégie ne fonctionne pas les mêmes diront qu’ils avaient vu !
Toutes les joueuses présentes au Mondial 2017, et ce sera pareil en 2018, ont des grandes qualités et peuvent apporter. Le risque est de maintenir sur le terrain des joueuses expérimentées mais fatiguées et qui n’apportent plus. Des joueuses, que l’on pourrait situer de 13 à 16 dans la liste, ont moins d’expérience et peuvent se révéler dangereuses dans leur utilisation, mais en même temps elles ont des qualités que certaines anciennes n’ont plus. Les jeunes ont besoin des anciennes qui ont besoin des jeunes. Quand tout le monde le comprend et l’accepte, cela peut donner une chose fantastique. Il est toujours dommageable qu’une ou deux joueuses ne jouent plus car elles se sentent démotivées et dévaluées ou pire, parfois humiliées. Ce n’est pas bon pour le collectif.

Inutile de te faire remarquer que la concurrence doit sans cesse s’interroger sur la meilleure façon d’attaquer la défense tricolore. Comment les contrecarrer ?
Tout le monde cherche des solutions pour attaquer notre défense et nous prendre en défaut. Nos défenses ne sont pas lisibles. La défense est en bas quand nos adversaires pensent qu’elle sera en haut, et réciproquement. Certains comportements défensifs sont certainement identifiables mais la mobilité et l’énergie, la responsabilité individuelle et la grande variabilité de comportement, compliquent la tâche. Avant que notre adversaire décide comment nous jouer, il faut qu’il sache comment on va défendre sur lui. Au niveau défensif, on se mettra en ordre de bataille de manière tardive. C’est compliqué d’attaquer face à une telle défense, extrêmement mobile entreprenante, qui ne fait pas que de la protection de but. La défense c’est détruire l’attaque, dit de jolie manière : « la défense, c’est attaquer l’attaque ». Nous avons besoin de réduire le nombre de changements attaque-défense et de compter sur des joueurs qui montent en charge pour faire défense-attaque.


Outre la France, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, quelles seront les équipes dangereuses pendant cet EHF EURO 2018 ?
La suède sera dépendante de la présence ou non d’Isabelle Gullden. La Serbie, qui avait parfaitement maîtrisé le Mondial 2013, a récupéré toutes ses forces et elle arrivera avec une confiance énorme. Attention aussi à la Roumanie entraînée par Ambros Martin et à la Hongrie qui met énormément de moyens sur sa filière. En termes de potentiel, la Russie, au complet, sera la plus dangereuse. C’est pour cela que je veux la faire trébucher d’entrée. Et si Evgeny Trefilov n’est pas content, cela peut déstabiliser l’ensemble.

Source : Fédération Française de Handball.

Entretien du Lundi - Olivier Krumbholz : « Les jeunes ont besoin des anciennes qui ont besoin des jeunes. »

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