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Publié par fean73

Relation entraîneur-athlète : la clé de la performance ?

Wendy Millet

Psychologue / 

« Une poignée de main, un regard profond et décidé, ou une simple phrase d’encouragement. Ces gestes de votre entraîneur peuvent vous transcender de manière inconsidérée. Pourtant, n’est-ce pas souvent votre geôlier, votre bourreau, l’incarnation même de beaucoup de vos craintes ? Chaque relation est différente. Incomparable. À peine descriptible. » Ganesh Pedurand, ancien nageur en équipe de France.

Entraîneur-athlète. Cette relation fascine et intrigue tant par son unicité que par sa puissance. Elle est si forte que l'entraîneur est presque toujours décrit comme un ami, un proche et, dans certains cas, un père ou une mère. Michael Phelps et Bob Bowman, Tony Parker et Gregg Popovitch, Usain Bolt et Glen Mills… Les exemples de duo ne manquent pas pour illustrer l’ampleur de cette relation. En effet, quiconque s’intéresse au domaine sportif est témoin de l’importance du lien d’attachement qui se déploie entre l'entraîneur et l’athlète. Cependant, dans un contexte de nature professionnel où les enjeux sont parfois très importants, cette relation s’avère particulièrement difficile à organiser et à maintenir. Comment on peut la comprendre ? Qui sont l'entraîneur et le sportif ? Pourquoi chacun est capable de faire ressortir chez l’autre le pire comme le meilleur ?

Dans cet article je vais parler de la nature de cette relation, de l’ambivalence sentimentale et du rôle décisif de cette relation sur la performance.

 

La relation entraîneur-sportif : Qu’est-ce que c’est ? 

Cette dernière est avant tout une alliance, elle est une relation asymétrique entre deux individus. Complémentaires, le point crucial qui les lient est, avant tout, le fait qu’ils tendent tous deux vers la réalisation d’un objectif commun (ici la performance). Si je souhaitais simplifier cette relation je pourrais dire qu’elle s’apparente, en surface, à une relation maître-élève régie par la loi de l’offre et la demande. Cependant cette conception reviendrait à ignorer les composantes affectives qui organisent et sous-tendent cette relation car elle ne se limite presque jamais au domaine professionnel. Peut-on imaginer un entraîneur ne pas donner de son temps pour entraîner, appeler ou encore échanger avec son athlète en dehors des horaires consacrés à la pratique sportive ? Ou encore un sportif ne jamais sacrifier des heures de repos pour répondre présent à ces sollicitations ?

Le métier d'entraîneur est complexe et délicat. C’est littéralement l’art d'entraîner des sportifs, de communiquer des compétences, de dispenser d’une expertise. Il doit enseigner et contrôler les paramètres d’une tâche tout en prenant en compte le sujet et sa dimension humaine, ce qui équivaut à une perpétuelle recherche d’équilibre entre les compétences professionnelles et relationnelles. De plus, l'entraîneur est souvent dans une position d’engagement totale vis à vis de ses sportifs et de son métier.

Quant à l’athlète il pratique, dans la majorité des cas, son sport depuis tout petit. L’innocence du début de la pratique sportive se transforme au fil des années en un engagement passionné, une implication professionnelle et également en une marginalité sociale. Entraînements, compétitions, déplacements… Les sportifs font, parfois dès leur plus jeune âge, l’expérience des effets de la quête de performance. Ils vivent en décalé, en parallèle, ce qui les poussent à investir émotionnellement l'entraîneur et les coéquipiers qui viennent former une sorte de seconde famille.

En partant de ce constat, il est important de retenir que l’entraîneur et le sportif sont dans une position faite d’enjeux et de sacrifices sensiblement similaires. Alors pourquoi est-il parfois si difficile de se comprendre ?

 

     L’ambivalence affective

Au cours d’une de nos rencontres un athlète me confie : “Il est mon entraîneur depuis que je suis tout petit, c’est un peu mon deuxième papa et je lui dois tout. Mais dans les moments difficiles je peine à m’en souvenir. Il n’est pas à ma place, c’est facile quand ce n’est pas lui qui fait l’effort. Je souffre et lui me regarde. Et pourtant quand je gagne et que je vois son regard, c’est presque aussi précieux que mes médailles ”

Pourquoi je l’aime ?

Si les affinités naturelles et les traits de personnalités de chacun constituent la majeur partie de la relation affective entraîneur-entraîné, ces éléments ne sont pourtant pas à l’origine de cette dernière. L'entraîneur est celui qui apporte le savoir, donne les clés de la réussite. En somme, il est celui qui rapproche un peu plus le sportif de son but. Les premiers temps, l'entraîneur est souvent idéalisé en raison de sa position d’autorité et de ses compétences, comme le dit Herfray: "Il est ce sujet aimé et qui éveille l'amour du savoir qu'il est supposé avoir"[i]. De plus, l’entraîneur pousse le sportif à se dépasser mais il est également celui qui encourage et console en cas d’échec. L’attention et la disponibilité au sportif sont les éléments qui constituent la base affective de cette relation et assure son développement. Si le sportif voit en son entraîneur celui qui le mènera au succès, l'entraîneur voit en son athlète une possibilité d’accomplir une volonté de transmission, de formation. 

Pourquoi je le déteste ?

L'entraîneur, à la fois bourreau et protecteur, déclenche chez le sportif différents éprouvés. De part la nature même du métier qu’il exerce, il fait figure d’autorité. Il est celui qui pousse à l’effort, force le corps et l’esprit à se confronter à ses limites. Le sportif craint son jugement et son regard car ils sont le reflet de ses propres échecs et de son incapacité à toujours satisfaire les désirs de son entraîneur. Sentiments d’abandon, d’échec, de culpabilité… Ces derniers peuvent alors s’exprimer au travers de la colère du sportif lorsque ce dernier ne parvient pas à les identifier correctement.

La relation entraîneur-athlète se présente souvent sous la forme d’une ambivalence émotionnelle. Cependant, d’autres structurations de cette relation peuvent apparaître… Symbiose, fusion ou encore rejet, ces modes relationnels peuvent, dans certains cas, répéter ce qu’on appelle en psychologie la relation d’objets primaires (c’est à dire la relation que l’athlète a avec ses parents). Il est important pour l'entraîneur de comprendre l’histoire de son athlète et de prendre en compte les aspects inconscients qui se jouent dans la relation. Les raisons intimes qui régissent le rapport de l’athlète à sa pratique sportive ne sont pas immédiatement accessibles pour l'entraîneur d'où l’importance d’une capacité d’analyse et de finesse de la part de ce dernier.

 

En conclusion

La croyance selon laquelle il faudrait subir et “encaisser” pour être fort ne s’applique pas toujours en psychologie. Si les techniques comportementales de provocation fonctionnent sur certains sportifs, il faut garder en tête que la psychée humaine est, en raison de nos expériences, sensible et vulnérable. La reconnaissance que l'entraîneur et l’athlète se témoignent est fondamentale pour un bon fonctionnement de la relation et de la performance. Cette reconnaissance est directement associée à nos besoins émotionnels et à la valeur de notre existence. Plus largement, c’est l’amour que l’on nous porte.

Alors essayez de toujours booster l’estime de votre athlète (mais également de votre entraîneur) quand cela est justifié et nécessaire. Reconnaissez les efforts fournis et la qualité du lien que vous entretenez. De simples phrases “Tu as bien joué’, “Je suis fier de toi”, “Merci pour ce que tu m’apportes” ou encore « Merci de m’accompagner”, sont de vrais leviers pour améliorer l’estime de soi et la performance !

Relation entraîneur-athlète : la clé de la performance ?
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