Entretien du lundi - Thierry Omeyer : l’académie des neuf à témoin.
Après sa retraite internationale survenue le 6 mai 2017 et un énième match titinesque (victoire 28-24 face à la Norvège), Thierry Omeyer a disputé jeudi dernier son dernier match professionnel avec le Paris SG HB (victoire 29-20 face à Cesson-Rennes MHB). Les neuf gardiens qui l’ont côtoyé en équipe de France, plus Yann Genty qui connaîtra cette semaine sa première sélection, évoquent le meilleur gardien de l’histoire du handball.
Christian Gaudin - Mondial 2001 : Avec Thierry, nous avons une dizaine d’années d’écart. Lorsqu’il est arrivé en équipe de France, on s’est bien sûr dit qu’il avait du potentiel. Au début ce n’était pas forcément simple pour lui car, avec Bruno Martini, nous étions deux anciens. Nous l’avons bien accueilli mais de là à dire qu’il deviendrait le phénomène extraordinaire qu’il est… D’ailleurs, qui aurait pu le prédire ? À mon avis, personne. Ce qui est aussi important, c’est l’avènement du Handball français avec ses générations extraordinaires. Thierry avait déjà pris une médaille de bronze en 97, le premier résultat de l’équipe de France junior au niveau international. Il a aussi gagné très tôt la Ligue des Champions.
On connaît son caractère, Thierry est un guerrier. Pour occuper ce poste, il faut être très fort mentalement : il possède un mental hors normes. Thierry est doté aussi d’une très bonne lecture. Il a des fibres rapides qui lui permettent de réagir très vite. Il a développé sa technique en puisant un peu partout et il n’est pas classable comme le sont les gardiens des écoles scandinave et yougoslave. Quel que soit le système (3-2-1, 0-6 ou 1-5 à la française) il était le gardien de toutes les défenses. Tout n’a pas été toujours simple, il a connu aussi des moments de fragilité dans sa construction. Il a toujours été sacrément costaud à l’entraînement. Selon moi, il fait partie de ces sportifs qui ont des qualités extraordinaires, comme Lebron James ou Cristiano Ronaldo.
Bruno Martini - Mondial 2001 jusqu’au Mondial 2003 (au micro de Fabien Douillard* : En 2001, que dès le début de la finale Daniel Costantini lance le jeune gardien qui monte, ou que ce soit en 2017 alors que c’est plutôt Vincent Gérard qui joue, Thierry Omeyer est partie prenante de ces titres-là, dans un espace de 16 années. Son impact ne se mesure pas seulement au nombre d’arrêts réalisés. Il y a aussi tous les aspects indicibles, tels son rôle de capitaine et la dynamique créée au sein du groupe.
Yohann Ploquin - Jeux Méditerranéens 2001 jusqu’à l’Euro 2008 : Après les arrêts de carrière de Bruno Martini et de Christian Gaudin, deux monstres sacrés, il y avait de la place pour les autres. C’est un coup du destin d’arrivé au bon moment. Au côté de Thierry, je ne me suis jamais battu pour être numéro 1. De toutes les façons, ce n’était pas la stratégie de Claude Onesta qui ne proposait pas forcément de concurrence à tous les postes. Alors, je me suis toujours battu pour être n°2. Les n°2 étaient très contents car il y avait de tels écarts avec ces montres à chaque poste. Thierry, c’est très particulier. Il était centré sur ses performances et au début nous avons eu une longue discussion. Thierry est un gardien très classique. Il possède toutes les bases et il les exécute toutes à la perfection. Il est très équilibré avec une grande qualité de vision des tirs, une forme de sixième sens. Observation - réaction, il sent tout. Thierry Omeyer a été élu meilleur gardien de tous les temps. Il le restera longtemps car il n’y a pas un garçon qui lui arrive à la cheville. Depuis que j’ai arrêté, j’ai un autre poids. Les gens ne sont pas impressionnés par mon statut d’ex-international mais par le fait que j’ai passé plusieurs années au côté de Thierry (sourire).
Nicolas Lemonne - Mondial junior 1997 et Euro 2004 : Il n’était pas le meilleur alors de cette génération au niveau mondial, c’était plus le Danois Kasper Hvidt. Mais bien sûr, on voyait bien que Thierry avait un fort potentiel, doté d’un gros mental et il était déjà un grand travailleur. Son gros point fort, c’est indiscutablement son mental. Thierry est quelqu’un qui est capable de prendre le dessus sur les autres et cela, tout le monde ne l’a pas. Sa force, c’est aussi sa volonté exacerbée de gagner. Il possède une technique assez classique, avec de la souplesse et de la tonicité. Dans la façon de gérer le duel au-delà du tir, je trouve que Vincent Gérard a du Thierry Omeyer en lui.
Daouda Karaboué - Euro 2004 jusqu’au Mondial 2013 : Je ne me suis jamais accommodé de bien suppléer Titi sinon je ne serais pas resté aussi longtemps dans ses basques. Tout simplement, ce personnage m’a rendu meilleur. Je pense la conscience d’un sportif professionnel c’est de savoir se situer avec la concurrence. J’avais à cœur de tout faire pour le pousser et passer devant lui. Avec Thierry, c’était clair, il fallait toujours essayer d’être le meilleur. Il était un support pour me surpasser, ne pas me contenter du rôle de doublure. Tout aussi souriant que je pusse être, cette cohabitation m’a permis de continuer à élever mon niveau, car j’avais en face de moi quelqu’un d’excellent.
Titi a toujours eu cette réputation d’acharner au travail. Il répétait les gammes, ce que je trouve le moins ludique dans l’entraînement, mais cela a fait ses preuves. Cette répétition est une démarche pédagogique mais je ne pense pas que cela puisse marcher pour tout le monde. C’était une vraie force pour lui de se référer à ses repères. Les jeunes reconnaissent son talent bien sûr mais ils ne m’interrogent pas dessus. En revanche il m’arrive de prendre Thierry en exemple.
Cyril Dumoulin - Euro 2014 et Mondial 2015 : J’ai tout de même eu la chance de participer à beaucoup de stages à partir de 2009 où il y avait aussi Daouda Karaboué. C’est compliqué d’arriver à côté d’une légende. J’ai pris le temps de le connaitre et de l’appréhender. En 2014, j’étais censé prendre le poste avant qu’il revienne de blessure tout en sachant que, dès son retour, il rayonnerait. C’était une situation particulière à aborder. Je le dis avec sincérité : c’est une chance de l’avoir côtoyé car il est un exemple. Thierry a une qualité de vitesse d’exécution hors norme. On peut avoir l’impression qu’il est en lecture mais en réalité il retarde ses parades plus que les autres. Sur la fameuse parade bras-jambe et la descente des bras, il est vraiment impressionnant. Il a mis une forme de pression sur ses successeurs en démontrant qu’il était possible de réaliser plus de 20 arrêts sur des matches consécutifs, une régularité jamais réalisée avant lui.
Wesley Pardin - Stages et Golden League 2013 : Lorsqu’il était blessé au coude, je l’avais remplacé. J’ai eu la chance de le côtoyer sur quelques stages. Lorsque tu rencontres Thierry Omeyer, tu es impressionné par son charisme. Il est resté simple et il avait la volonté d’aider son partenaire. Je garde un bon souvenir de cette approche avec lui. Il est resté assez ouvert bien qu’il soit devenu une légende du poste et même du hand. Son énergie, sa soif de victoires… Pour moi, c’est le meilleur gardien de tous les temps, tant sur l’efficacité que sur la durée.
Vincent Gérard - Euro 2024 à Mondial 2017 : Thierry a toujours été un modèle, lorsque j’étais jeune, j’essayais de m’inspirer de lui ? Nous avons un peu un parcours similaire car nous avons débuté dans le même lycée à Strasbourg. C’est vrai que nous avons tous les deux ce côté chambreur et la volonté de nous imposer dans le duel avec le tireur. Il a aussi travaillé avec Branko Karabatic. Il est très technique et très droit dans son exécution. Chaque geste est efficace, efficient et réfléchi. J’essaie de ne pas me mettre la pression et de faire de mon mieux mais c’est vrai que je suis souvent passé après lui dans mon parcours, en équipe de France, à Montpellier et bientôt à Paris. Il a démontré en France à quel point le poste était important. Il a rendu la fonction populaire.
Julien Meyer - 1e convocation lors du France - Norvège du 6 mai 2017 : Il a révolutionné le poste de gardien de but dans les années 2000 et, grâce à lui, ce rôle est désormais pris en avec plus de considération. Thierry Omeyer a beaucoup apporté sur la préparation physique et mentale, la préparation des matches. Il a cumulé une énorme banque de données très performante tout au long de sa carrière. Il est aussi un exemple de travail et d’acharnement. Sa longévité est impressionnante et beaucoup rêverait de réaliser ne serait-ce que la moitié de sa carrière. Je suis passé par le pôle de Strasbourg où il est une icône, un véritable personnage cité en exemple pour son acharnement. Il est l’un des grands gardiens qui m’a inspiré pour évoluer à ce poste. C’est évident car cela semblait si facile avec lui.
Yann Genty - 1e convocation au moment du retrait de Thierry Omeyer : Au regard de sa longue carrière et de tous ses titres, surtout dans la façon d’impressionner les tireurs, il est inspirant. Il était capable de renverser un match à lui tout seul. Quel que soit ton propre style, tu te dois de regarder ce qu’il fait. Il a changé complètement l’image du gardien et, grâce à lui, ce rôle est désormais plus reconnu. Des entraîneurs de gardiens apparaissent dans les clubs. Les gardiens, avec la nouvelle règle, sont aussi plus impliqués dans les entraînements collectifs.
Source : Fédération Française de HANDBALL