Entretien du lundi - Benoît Henry
Après le départ de son directeur historique, Franck Leclerc, parti rejoindre la FNASS (Fédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs), l’AJPH (Association des joueurs professionnels de Handball) est désormais dirigée par Benoît Henry. Membre du CA Fédéral, le Nancéien évoque son parcours et les principales missions de l’association qui défend les intérêts des joueuses et des joueurs professionnels. Mais pas seulement.
Quelles ont été les principales étapes de ton parcours de handballeur et estudiantin ?
J’ai débuté très tôt, vers mes 5-6 ans, au Sluc Nancy Cos Villers, dans les pas de mon père qui était gardien. J’ai suivi une section sport-études puis j’ai quitté Nancy une fois le bac B (ES) en poche ainsi que le BE1 (Brevet d’État 1e degré). J’ai ensuite fait le Bataillon de Joinville puis j’ai rejoint Chambéry la saison suivante. J’ai bien eu quelques sélections en jeune mais on m’avait fait comprendre que j’étais trop petit et qu’il fallait que je change de sport (sourire).
Puis tu arrives à Créteil…
Oui après une saison en Savoie à Chambéry, je rejoins Créteil pour le début d’une aventure qui durera dix saisons. Je plaisante souvent en rappelant que le premier club à monter une société d’économie mixte et à disputer une finale européenne, c’est Créteil. Je démarre alors une formation à distance d’infographiste. En parallèle je commence aussi à travailler au service communication de la communauté d’agglomération du Val-de-Marne où je deviens fonctionnaire territorial. D’ailleurs, j’arrive cette année au bout de mes dix années de mise en disponibilité.
Tu passes le cap de la trentaine et Créteil te propose de prolonger sur plusieurs saisons. Pourquoi quittes-tu le club où tu étais bien implanté et capitaine de l’équipe ?
Je m’intéressais en effet au projet du club, à sa restructuration, au recrutement, aux liens avec la ligue nationale. Je suis alors intéressé par le master de manager général dispensé à Limoges. Je décide de me lancer et je signe pour deux saisons à Nancy avec le projet de devenir le manager général du club, dans le cadre de ma reconversion… Je décroche le diplôme mais finalement le club n’est pas prêt à m’accompagner jusqu’au bout du projet. Finalement, je deviens manager du club d’Épinal où je continue à jouer (accession en N1). C’est à Épinal que j’ai fait mes armes de manager général.
Comment s’est opéré ton rapprochement avec l’AJPH ?
J’ai toujours été proche de la structure et de ses précurseurs, je pense notamment à Marc-Olivier Albertini, Pascal Léandri, Olivier Gradel, en plus de Franck Leclerc qui était souvent présent à Créteil. Après la création de l’AJPH, je me suis toujours intéressé à la négociation de l’accord collectif avec tout l’éco-système du handball. Je me souviens notamment d’une action menée lors d’un Final Four à Nîmes nous avions joué avec un brassard, comme signe de revendication. Parallèlement à mon activité à Épinal, j’ai débuté par un temps partiel à l’AJPH avant de l’intégrer à plein temps, au côté de Franck Leclerc.
S’investir pour le collectif et mener des combats, est-ce une philosophie, un engagement politique ?
Disons que ma culture familiale est ancrée dans le social, notamment au travers des activités de ma mère. Je me souviens aussi que mon père, malheureusement disparu, s’intéressait déjà au statut du joueur, à la professionnalisation du handball. Culturellement, j’ai toujours baigné dans cet univers.
Où se situe l’AJPH dans l’univers du handball ?
Elle est née en 2004, en parallèle de la création de la ligue nationale de handball. Son objet est la reconnaissance du statut des joueurs et de faire entendre leur voix sur l’ensemble des travaux portés par l’instance, par exemple sur le calendrier et la réforme des compétitions. Les joueurs comme les entraîneurs doivent être représentés afin d’instaurer un dialogue social entre les différentes parties. La négociation d’accords collectifs par exemple en est une belle illustration. Sur le secteur masculin (1ère division) nous l’avons négocié en 2007-2008. Aujourd’hui notre priorité est d’instaurer un accord collectif applicable au secteur professionnel féminin.
Comment est-elle financée ?
Nous disposons des adhésions (exactement 318) qui représentent environ 30 % de nos ressources. 75 % des joueurs du secteur masculin (LidlStar Ligue et Proligue) sont adhérents tandis que les joueuses professionnelles sont en nette progression avec désormais un taux de 47% contre 30 % la saison dernière. Notre budget est complété dans le cadre de conventions avec la FFHandball et la LNH. Le bureau de l’AJPH est constitué par Bastien Lamon (président), Maria Bals (vice-présidente, filière féminine), Vincent Gérard (vice-président), Aurélien Abily (trésorier) et William Annotel (secrétaire général). Ils sont tous des dirigeants bénévoles. Bientôt une personne supplémentaire nous rejoindra car depuis le départ de Franck Leclerc, il a fallu mettre les bouchées doubles (sourire).
Quelles sont ses principales missions ?
Ces conventions couvrent nos missions d’information en direction des pôles et du secteur professionnel. L’AJPH a également un devoir de représentativité dans plusieurs instances et groupes de travail. Auprès des joueurs, nous avons un devoir de sensibilisation, d’éducation et d’explication de l’univers économique.
Concrètement comment s’opèrent ses moments de sensibilisation ?
Depuis deux saisons, en plus d’actions lors des interpoles, nous effectuons des interventions dans les pôles. La première initiative est venue de Philippe Schlatter, responsable du pôle de Strasbourg qui a souhaité réunir les joueurs et leurs parents pour une réunion de sensibilisation. C’est indispensable de livrer à ce jeune public, une photographie réaliste du secteur professionnel. C’est un devoir d’éduquer nos sportifs afin d’éviter les dérives. C’est essentiel.
Quelle est la position de l’AJPH avec les agents de joueurs ?
Les agents sont des acteurs du monde du handball où ils jouent un rôle essentiel. Andrej Golic représente la commission des agents au sein de la FFHandball. Nous travaillons étroitement avec lui et d’autres agents, notamment pour renforcer les bonnes pratiques. J’aime à rappeler aux joueurs que l’AJPH ne remplit pas le rôle d’agent. C’est l’un des volets importants dans le diaporama de présentation de l’AJPH. Nous avons toutefois un rôle de conseil et d’accompagnement auprès des joueurs, notamment des plus jeunes lorsqu’ils s’apprêtent à signer un premier contrat professionnel. Tous ces conseils représentent un volume de travail considérable.
Quels sont les outils de communication dont vous disposez ?
Notre site internet a été rénové et nous animons les réseaux sociaux. Nous disposons aussi d’un groupe Facebook fermé avec nos adhérents. Les référents de chacun des clubs professionnels sont rassemblés dans un groupe Whats’App notamment actif pour désigner le sept de la semaine et dans lequel nous diffusons un maximum d’informations du quotidien.
Récemment l’AJPH a fait parler d’elle avec la campagne DONTPLAYTHEPLAYERS…
Il y a eu quelques critiques, notamment sur le fait que la campagne concernait 20 % des joueurs professionnels, les internationaux. Le fond de la campagne est l’imposition du calendrier par les instances internationales. Il s’agit d’un problème général qui touche tout l’éco-système du handball. Les joueurs n’ont pas réclamé de moins jouer mais ils ont demandé du respect dans les rythmes des compétitions. Il est question de la protection des joueurs et de leur récupération, de la qualité du spectacle proposé. Sans tomber dans la caricature, si on ne régule pas, on s’expose à des dérives telles que le dopage. Au-delà des postures tenues par chacun, c’est un combat collectif à mener, dans l’intérêt du handball.
Comment imagines-tu l’AJPH évoluer à moyen terme, à l’échéance de 2024 par exemple ?
Que notre représentation auprès des joueuses et joueurs professionnels soit proche des 100 % ! Aussi, en matière de structuration, si l’AJPH pouvait d’appuyer sur une équipe de cinq salariés, cela permettrait d’atteindre nos objectifs, notamment en matière d’éducation et devenir une mini UNFP (Union Nationale du Football Professionnel). Surtout, préserver nos valeurs qui contribuent à rendre notre discipline performante.
Quels sont les prochains rendez-vous de l’AJPH ?
L’assemblée générale est programmée le 7 juin à la Maison du Handball, en amont des Trophées de la LNH. Rencontre et temps de travail avec EPHU pour évoquer le rythme international lors du Final 4 de Cologne puis, du 14 au 16 juin, nous participerons au stage national des arbitres organisé à Vittel. Au programme aussi la préparation de la saison prochaine dans laquelle il pourrait y avoir un peu de nouveauté…
Source : Fédération Française de HANDBALL