Le long chemin d'Érick Mathé par Laurent MOISSET
Il a tâté du hand parce que ses potes d’Ambroise Paré à Coubervoie l’y ont, un peu, obligé et que c’était, aussi, un bon moyen de garder le lien social. Autant qu’il se souvienne, Erick Mathé évoque « le bout du bout du banc des remplaçants » ; bref d’un passage sans éclat sur les parquets. Il n’a, d’ailleurs, toujours pas compris pourquoi il a gardé ses baskets afin d’accompagner le projet d’une copine de classe, amoureuse de la petite balle ronde, et décidée à monter un club, à Courbevoie dans les Hauts de Seine.
Escalade, ski, le handball après…
« Elle ne connaissait que moi et probablement n’ai-je pas voulu la laisser seule… » Il n’a que vingt ans, indécis évidemment quand il s’agit de chercher sa voie. L’escalade est sa passion, le ski un autre pôle d’attraction « pour lesquels je songeais d’ailleurs à passer des diplômes afin d’enseigner. » Il s’engagera, effectivement, en obtenant le brevet d’état mais deviendra moniteur d’éducation physique dans différentes écoles de Courbevoie et l’homme à tout faire du club de handball. Entraîneur des six équipes du club, accompagnateur le week end afin de superviser tous les matches. « Je passais mon temps à téléphoner afin de négocier avec les adversaires le calendrier de nos matches pour que je puisse être présent partout. » L’aventure lui a pris tout son temps mais en dix ans son équipe de filles passe de la départementale à la D2 « et ma plus grande fierté est que deux d’entre elles ont connu toutes les étapes de cette longue marche. »
Educateur, professeur, entraîneur, Erick Mathé marie tous les genres avec beaucoup de succès. Il est curieux, trouve toujours des solutions, s’adapte, innove et, le plus souvent, avec beaucoup de réussite. « On n’avait pas beaucoup d’argent, alors je demandais à certaines de mes joueuses d’entraîner une équipe de jeunes. N’étant pas issu du plus haut niveau, n’ayant pas davantage les facilités d’un club professionnel, j’ai appris à construire, intégré ma propre culture de ce sport. Et je me suis rendu compte très vite que je préférais être à la base de la construction plutôt que d’arriver en terrain conquis. »
Sa culture, celle qu’il entretient dès qu’il a un moment de libre ( !) en suivant les entraînements de l’ACBB et de Paris. Celle qu’il renforce en lisant et relisant les cahiers de Daniel Costantini, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France. « C’est toujours mon livre de chevet, sourit-il. Il avait aussi sorti des cassettes. Je les ai vues et revues. » On l’a compris, Erick Mathé est, également, un gros bosseur qui devient vite dans le milieu amateur une référence. A Poitiers, au pôle espoirs et en club, puis à Besançon mais également à Saint-Cyr sur-Loire puis à Bordeaux où il sera à deux doigts d’atteindre l’élite, il va parfaire ses connaissances, expérimenter son management avant que Patrice Canayer, en 2015, ne lui propose de s’occuper du centre de formation de Montpellier et de prendre, ensuite, le poste d’adjoint « J’étais en contact à ce moment-là avec Rouen mais deux heures après le coup de fil de Patrice, je lui ai rendu une réponse positive. »
Apprendre toujours quitte à sacrifier un projet un peu plus personnel. Le parcours ainsi résumé dit tout du personnage. « Dès le début, à vingt ans, j’avais cette ambition secrète d’atteindre le plus haut niveau mais on ne pourra pas dire que j’ai posé des peaux de banane ou que j’ai comploté pour obtenir un poste. Je souhaitais apprendre, comprendre, me perfectionner. Et l’occasion était trop belle avec Patrice Canayer. » Le linge sale à la poubelle !
C’est aux côtés du manager héraultais qu’Erick Mathé va passer le dernier cap. L’exigence, la volonté, l’opiniâtreté du boss sont un révélateur. « On disait que j’étais un travailleur mais par rapport à Patrice j’étais un gamin. Je me souviens qu’après certaines défaites, on passait deux heures et demi à la vidéo pour revoir le match. Puis il convoquait les joueurs et on en reprenait deux heures et demi. Je n’ai pas davantage oublié que c’était encore lui qui avait le plus la pêche les lendemains de match à l’entraînement. A cette période, j’ai compris que la réponse à l’échec était le travail, toujours le travail. »
Il était prêt dès lors à prendre son destin en mains, vingt sept ans après ses débuts à Courbevoie. Tellement prêt qu’après un mois de compétition avec Chambéry, il est leader du Championnat avec Nantes. Tellement prêt que le jeu et la vie de sa nouvelle équipe ont retrouvé des palpitations. Erick Mathé a posé sa patte, redéfini le cadre, fidèle aux mêmes principes qu’il avait érigé en une loi incontournable à Courbevoie. Implacable sur les horaires et également sur les règles de vie.
« Au début, raconte-t-il, le linge sale traînait dans le vestiaire. Une première fois, je l’ai ramassé et posé sur une table. La deuxième fois, je l’ai ramassé puis mis à la poubelle. Il y a quelques jours, la directrice du Phare est venue me voir pour me dire que depuis neuf ans elle n’avait jamais vu un vestiaire aussi propre. »
Des petits riens qui rétablissent discipline et respect mais également une approche et une précision tactique qui ont remis sur pied un club à la dérive la saison dernière. Erick Mathé n’a rien relâché de son effort, poussé évidemment par cette curiosité qui lui permet « d’avaler encore et toujours chaque semaine une douzaine de matches à la vidéo. »
Erick Mathé n’est pas tombé dans le piège de la notoriété au moment où il touche son Graal. « J’ai attendu si longtemps… Il y a du boulot, une vraie complicité avec les dirigeants. Et puis, j’écoute beaucoup Laurent Busselier, mon adjoint. Je ne suis pas seul. A 30 ans j’aurais peut-être pu perdre pied, pas à 47. » Chambéry, en tous cas, se frotte les mains…
Par Laurent MOISSET LNH