Entretien du Lundi - Béatrice Barbusse : « L’EHF EURO 2018 est un formidable levier »
Secrétaire générale de la FFHandball, Béatrice Barbusse évoque l’actualité fédérale et bientôt l’EHF EURO 2018 féminin. La Cristolienne confie aussi sa joie d’avoir investi la Maison du Handball située à… Créteil.
Comment se déploie le plan de féminisation à l’occasion de l’EHF EURO 2018 ?
Des colloques Handballissime sont organisés dans les Territoires hôtes ou non de l’Euro afin de profiter de cet événement sportif international féminin pour relancer la question des femmes dans le Handball. L’idée est de donner du sens à ces colloques, de dépasser la question du genre, et de permettre aux clubs, aux Comités ou aux Ligues de cultiver le réseau de partenaires et les liens avec les institutions. Plusieurs Territoires ont ou vont accueillir ces colloques : Rennes (25/02), Pau (25/03), Lezignan-Corbières (15/04), Nancy (01/06), Mouans-Sarthoux (26/08) et bientôt à Orléans (29/11) puis à la Maison du Handball à Créteil (8/12) pendant l’Euro. Nous avons imaginé une fiche pratique pour guider et accompagner les Territoires organisateurs, sans toutefois imposer un thème.
À qui s’adressent les formations « réussir au féminin » mises en place par la FEMIX qui ont fait place à « maintenant réussir en féminité » ?
Je souhaite que toutes les femmes soient concernées, celles qui sont dans la vie active, celles qui sont grands-mères ou celles qui élèvent leurs enfants. Pour qu’elles puissent prétendre prendre des responsabilités, cela nécessite de mettre en place des dispositifs particuliers, dans un premier temps des groupes non-mixtes. L’objectif est de libérer la parole car les femmes ont parfois la crainte de se raconter, de s’exprimer. Toutes les femmes ne partent pas du même point de départ. Si certaines n’ont pas besoin de ce type de formation, la grande majorité des femmes en ont besoin. Des témoignages très émouvants émergent de ces formations. Mais, ce qui m’intéresse, c’est demain. C’est pourquoi le mentoring pourrait être dans l’avenir un outil pertinent.
Comment l’EHF EURO 2018 peut-il aider à développer la pratique féminine ?
Un événement, tel que l’Euro, est un formidable levier pour accélérer la féminisation d’un sport : ses pratiquantes, ses dirigeantes, ses entraîneurs et ses arbitres. C’est un moment privilégié qui mettra en lumière la féminisation de la pratique au travers d’un événement support. Les différents acteurs prennent conscience qu’organiser un événement international féminin n’est pas la même chose que masculin.
Il faut redoubler d’efforts pour réussir à organiser ce premier championnat d’Europe en France…
Ce qui me surprend « c’est la surprise » que constituent ces difficultés. Après le succès du Mondial 2017 masculin, c’était facile de prédire que la dynamique ne serait pas la même. Ce n’est pas de l’hystérie mais une réalité. Cela ne relève pas du fantasme. Pour résumer, on a plus de difficultés alors que paradoxalement, le contexte devrait être favorable car l’équipe de France est vice-championne olympique, médaillée de bronze de l’Euro précédent et championne du monde en titre. Ceci étant dit, je tiens à souligner l’investissement, qui fait plaisir à voir, des internationales dans la préparation de cet événement et leur volonté de s’impliquer. La fédération et notamment la présidente du Comité d’Organisation, Sylvie Pascal-Lagarrigue, se donnent beaucoup de mal pour que l’événement soit une réussite.
Il y a tout juste un an, éclatait l’affaire Weinstein puis suivait le mouvement « me too ». As-tu le sentiment que le contexte est aujourd’hui plus favorable à l’expression de la parole féminine dans le sport français ?
Certaines sportives sortent de leur mutisme mais en nombre restreint. De ce point de vue, les sportives sont plus dans la soumission que la rébellion. C’est culturellement difficile de changer les mentalités. L’engagement des sportives n’est pas à la hauteur des enjeux. Mais cela s’explique. Je comprends combien c’est difficile de s’exprimer car je ne connais que trop la culture du haut niveau, une culture où parler pour se plaindre est considéré comme une faiblesse. La souffrance et la douleur font partie de la culture du haut niveau. Les rapports hiérarchiques de domination sont très forts et sont renforcés par la condition de genre. Rappelons que l’univers du sport est patriarcal avec des hommes qui entraînent des femmes. Bref, les conditions d’exercice sont telles que les sportives ont d’autres priorités.
Mais alors comment changer les habitudes - mauvaises - les comportements ?
C’est vraiment compliqué pour une sportive de haut niveau. Une statistique étaye cette réalité : 80 à 90 % des handballeurs sont adhérents auprès de leur syndicat professionnel, contre 5% chez les filles.
Après les élections des Ligues l’an passé, une seule femme - Sylvie Le Vigouroux - a accédé à la présidence. Que t’inspire cette observation ?
De ce point de vue, c’est un recul car avant la nouvelle territorialité, trois femmes présidaient des Ligues. Parallèlement, 40 % des femmes sont aujourd’hui élues dans les instances territoriales. Les femmes sont majoritaires au Conseil d’Administration de la fédération (51 %). Toutes ces femmes sont élues, à tous les niveaux, mais elles n’occupent pas forcément les postes stratégiques. Ces femmes, il a fallu les chercher : 50 % de celles qui ont participé aux trois formations « réussir au féminin », se sont présentées aux élections ce qui démontre au passage l’efficacité de ces formations.
Tu es la première femme secrétaire générale de la FFHandball. En quoi cela peut-il influencer la politique fédérale, par exemple en matière de féminisation ?
La Fédération française de Football a fait mieux avec Brigitte Henriques qui a été secrétaire générale avant Laura Georges pendant que Laurence Hardouin est directrice générale, au sommet de l’institution. C’est une fonction qui ne pose pas la question du genre. C’est surtout un poste élevé dans la hiérarchie d’une fédération sportive. Mais il ne permet pas d’influer sur tel ou tel sujet. En revanche, il est possible d’inscrire à l’agenda institutionnel un thème en particulier et de l’exposer.
Jacky Bettenfeld a récemment annoncé qu’il serait candidat à la présidence de la fédération, en 2020. Quelle est ta position sur cet acte de candidature ?
C’est important que les choses soient claires. Bien sûr que j’avais des visées pour devenir présidente, pas pour ma personne mais pour la fédération, pour le développement à venir des Handballs. Il y a deux ans, Jacky Bettenfeld n’avait pas souhaité candidater, à cause de son activité professionnelle dense. C’était tout à son honneur de refuser d’aller à la présidence en 2016 car je connais peu de personnes capables de décliner. Il s’est organisé sur le plan professionnel pour être disponible. Il est passé par tous les postes dans le Handball, de joueur à dirigeant. Jacky possède toutes les compétences. Il est complètement légitime.
Certes mais cela n’empêche pas d’autres candidatures…
Avec nos résultats sportifs féminins et masculins, la construction de la Maison du Handball, le succès du Mondial 2017, la croissance des licenciés, notre discipline se trouve en plein développement. Au moment où l’engagement de l’État va diminuer, le Handball se situe à la croisée des chemins avec la nécessité de trouver d’autres ressources. Dans ce contexte, l’heure n’est pas au combat entre candidats potentiels, mais plutôt au rassemblement de toutes les forces afin de permettre au sport qui nous a tout donné, de passer du sport professionnel au spectacle sportif et d’assurer le développement de nos handballs. Ce serait donc irresponsable et malhonnête à l’égard de Jacky et de la fédération de se lancer dans une candidature. La priorité est de travailler à ses côtés et avec ceux qui voudront bien partager les valeurs qui sont les nôtres.
Voici bientôt deux mois que la FFHandball a investi la Maison du Handball à Créteil qui est l’objet de toutes les curiosités…
Elle fait plaisir à tous, tout le monde veut la voir et la visiter. Elle a rempli sa première fonction : être attractive, dans le milieu du Handball, bien sûr, et en dehors. On n’a jamais autant parlé de Créteil. Cela fait super plaisir d’entendre des témoignages : « c’est génial, c’est transparent ». La Maison du Handball ressemble à ce que nous sommes : une fédération ouverte qui permet de nous retrouver ensemble. Elle correspond à nos valeurs.
Comment te sens-tu dans ce nouvel espace de travail et de vie et quel est l’impact de cette MDH ?
La Maison du Handball, symboliquement, elle compte. Elle rend fière car elle est à la mesure et à la hauteur de notre palmarès sportif. J’aime la liste égrenée des internationaux avec ces femmes et ces hommes mêlés qui ornent les murs. Je tiens à saluer le travail titanesque effectué par toutes celles et tous ceux qui ont participé à la muséographie. Il faut remercier Joël Delplanque qui, depuis plusieurs années, a pris ce projet à bras-le-corps pour le mener à bien. La Maison du Handball est dynamisante : elle stimule les salariés, les élus, les joueuses et les joueurs. Elle est un outil attractif qui offre des conditions de travail exceptionnelles.
Source : Fédération Française de Handball