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Publié par fean73

Claude Onesta : “Mon seul regret, c'est que nos matchs ne soient pas tous diffusés en clair”
Depuis 2006, grâce à ses succès, l'équipe de France de handball gagne en notoriété, et la pression grossit. Son manager Claude Onesta décrit sa stratégie à l’égard des médias alors que le Mondial organisé en France débute mardi 11 janvier.
Il fut le sélectionneur des Bleus de 2001 jusqu'en septembre dernier. Claude Onesta est devenu leur « manager général » pour le Mondial de handball, qui débute le 11 janvier en France. Il compte ainsi décharger les deux jeunes entraîneurs, Didier Dinart et Guillaume Gille, d'une pression médiatique qui s'est nettement intensifiée depuis seize ans.

Quel est votre rôle en tant que manager général ?
Mon but est de me concentrer sur tout ce qu'on ne voit pas, mais qui est indispensable à la réussite de notre équipe. Il y a le travail de terrain, bien sûr. Mais il y a aussi l'environnement : les médias, les dirigeants, les partenaires économiques, la pression populaire. Après avoir tout géré pendant seize ans, je vais me concentrer sur cet « environnement », qui a pris de l'ampleur grâce à notre notoriété grandissante (depuis 2006, l'équipe de France a remporté deux médailles d'or aux JO, trois championnats du monde et trois championnats d'Europe). Aujourd'hui, il n'y a plus dix journalistes aux conférences de presse, mais soixante-dix ou cent.

Vous êtes bien placé pour mesurer la différence avec 2001, quand vous avez pris la tête de la sélection.
Cela n'a rien à voir. J'ai vu s'étoffer cette mission. D'ailleurs, j'étais déjà un peu « manager général » ces dernières années : j'avais commencé à déléguer une partie du travail technique à Didier Dinart et à Guillaume Gille, qui ont maintenant une vraie liberté. Mon rôle est de les soulager de certaines contraintes médiatiques pour qu'ils se concentrent sur le jeu. Mais il y a des rendez-vous indispensables que je leur impose. Et je leur demande de les aborder avec le sourire, parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont les médias qui nous nourrissent, qui relatent nos exploits, qui font que notre notoriété grandit et que nos contrats sont de plus en plus lucratifs.
“On peut se servir de la pression comme moteur, comme carburant.”

Quels sont les dangers de la pression médiatique ?
La pression médiatique est une forme de pression populaire. Les médias relayent les espérances de la population. L'équipe de France de handball donne rendez-vous à son public une fois par an pour un moment d'émotion. Les joueurs ont donc une responsabilité : ils n'ont pas le droit de trahir tous ces gens, a fortiori dans un championnat du monde qui se déroule en France. C'est particulièrement difficile car tout le monde est persuadé qu'on sera en finale. Si on a gagné ailleurs, pourquoi pas chez nous ? A l'étranger, vous avez une forme de tranquillité : le public pense que c'est plus dur, et vous êtes isolé. Ici, le risque, c'est la multiplication des pressions : la famille et les amis sont à proximité, les journalistes sont beaucoup plus nombreux, les partenaires économiques veulent monter des opérations avec photos, séances de signature d'autographes...

Est-il possible de renverser la pression médiatique à son profit ?
On peut s'en servir comme moteur, comme carburant. Si ça commence bien, vous pouvez être porté, ça peut être fabuleux. Mais si vous vous prenez les pieds dans le tapis, le poids peut devenir insupportable.

Le paysage médiatique a changé depuis une quinzaine d'années. Quelles conséquences cela a-t-il sur votre travail ?
Certains journalistes donnent du temps à l'analyse, d'autres non. Mais globalement, l'Internet favorise le factuel plutôt que la réflexion. Tout le monde veut agir vite et donner une explication immédiate. Il y a aussi cette volonté perpétuelle de décortiquer les mots pour savoir ce qu'ils cachent. Conséquence : la langue de bois s'installe de plus en plus. Vous êtes obligé d'avoir un discours lisse pour que ça ne vous revienne pas dans la figure. Les relations avec les médias sont devenues plus complexes.

Et puis, la télévision s'intéresse de plus en plus au handball...
Avec beIN Sports, on peut voir cinq ou six matchs par semaine. Au début de ma carrière, il y en avait un ou deux par an. A l'occasion de ce Mondial, il va y avoir énormément d'émissions, de reportages, d'analyses. Ça va être un beau moment pour les amateurs de handball. Mon seul regret, c'est que nos matchs ne soient pas tous diffusés en clair. TF1 en retransmettra à partir des quarts de finale (la chaîne codiffusera les matchs des Bleus avec beIN Sports en cas de qualification). Mais c'est déjà très intéressant.

Pourtant, malgré l'intérêt grandissant des médias, les investissements des chaînes et les qualités de l'équipe de France, la préparation de ce Mondial s'est faite dans une certaine discrétion.
Très rares sont les événements anticipés par les médias. Le Championnat du monde commence le 11 janvier ; il faut attendre la semaine qui précède pour qu'on en parle. Il ne se passe pas grand-chose, on peut anticiper sereinement la compétition.

Ce ne fut pas le cas de l'Euro 2016 de football, dont les médias s'étaient emparés plusieurs mois avant le premier match. Vous êtes plus tranquilles pour travailler. Un exemple : l'équipe de France de hand n'a connu que deux sélectionneurs en trente-deux ans !
Il y a eu deux phases. Celle de Daniel Costantini, de 1985 à 2001, qui a amené l'équipe de France au plus haut niveau, et la mienne, qui l'y a maintenue. On est passé d'une performance occasionnelle à la domination de notre sport. Les dirigeants du handball ont su être sages. C'est un monde très lié à celui de l'éducation — on y trouve beaucoup d'anciens enseignants —, où tout se fait dans la durée.

La pression médiatique était alors moins forte. Pour vos successeurs, les résultats devront arriver plus vite...
Sauf si nous, dirigeants, parvenons à ne pas céder à la pression médiatique...

Par Michel Bezbakh sur Télérama

Claude Onesta : “Mon seul regret, c'est que nos matchs ne soient pas tous diffusés en clair”

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B
Je viens de finir le livre de Claude Onesta, le règne des affranchis. Pour ceux qui n'ont pas le temps de le lire, j'en ai fait un résumé disponible ici: http://movnbook.com/le-regne-des-affranchis/
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