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Publié par fean73

Par Ettore Messina, ex-entraîneur du CSKA Moscou (2005/2009 et 2012/2014) et actuel adjoint des San Antonio Spurs.

Article original du 16 mars 2008 traduit par Vincent Chetail après autorisation de Ettore Messina.

Beaucoup de gens me demandent des conseils sur la façon d’aider leur enfant à devenir un sportif professionnel. Donc, aujourd’hui, je vais essayer de répondre à cette question et de partager certaines de mes idées.

Tout d’abord, il sera extrêmement utile pour votre enfant d’essayer à la fois un sport individuel et un sport d’équipe quand il est jeune pour se développer mentalement et physiquement. Par exemple, je suis très chanceux que ma fille ait essayé le judo pendant 3 ans quand elle était à l’école primaire. Cela l’a vraiment aidé à développer sa personnalité, à surmonter son manque de confiance en elle, à mieux connaitre son corps et à se discipliner un peu.

Dans le même temps, je pense que la dynamique des sports d’équipe est quelque chose qui devrait être connue, car elle aide à apprendre à traiter avec d’autres personnes, comment comprendre votre rôle, comment assumer la responsabilité non seulement pour vous, mais pour l’équipe. Donc, je pense qu’essayer un sport d’équipe est extrêmement utile du point de vue éducatif.

 

Langdon, a non seulement été drafté par une équipe NBA, mais il était aussi près d’être drafté  par une équipe MBL.

En Italie, nous faisons une grosse erreur en décidant très tôt à quel jeu un enfant devrait jouer. Aux États-Unis, les enfants ont l’occasion d’essayer de nombreux sports différents avant de choisir celui auquel ils se consacreront. Par exemple, Trajan Langdon, a non seulement été drafté par une équipe NBA, mais il était aussi près d’être drafté  par une équipe MBL (Major Baseball League, ndlr), parce qu’il a joué à la fois au basket-ball et au base-ball au collège (équivalent de l’Université en France, ndlr). Aux États-Unis, ils ont une chance d’essayer de nombreuses options car les saisons des différents sports sont réparties à travers l’année et ne se chevauchent pas. En conséquence, un enfant peut essayer virtuellement tout. En Italie, en raison de l’absence d’aménagements, vous envoyez habituellement votre enfant faire soit du football ou du basket-ball ou du volley-ball ou du tennis.

Supposons que vous ayez déjà choisi un sport. Si je devais faire une suggestion, la première chose que je prends en considération en tant que père est la qualité de l’entraîneur. Certains parents qui ne sont pas très familiers avec un type de sport en particulier peuvent être attirés par un système qui met l’accent sur le résultat. Mais il y a une énorme différence entre faire du sport sur le plan professionnel et l’enseigner aux jeunes. Vous feriez mieux d’envoyer votre enfant à l’endroit où l’accent est mis sur le développement de sa personnalité et ses qualités d’un joueur, car c’est beaucoup plus important à cet âge.

Si vous êtes assez chanceux pour trouver ce type d’entraîneur, vous ne devriez pas être pressé de faire de votre enfant un athlète professionnel en lui faisant faire quatre entrainements ou plus par semaine. Personnellement, je pense que cela ne devrait pas arriver avant d’avoir 14 ou 15 ans. Les jeunes enfants qui sont exposés à un très haut niveau de pression physiquement, techniquement et mentalement, généralement, ne peuvent pas supporter ce genre de pression. Je voudrais trouver un entraîneur pour mon enfant qui sera en mesure d’offrir un niveau raisonnable de défi pour les jeunes joueurs et de développer une sorte de mentalité de groupe, en respectant la personnalité de chacun.

Cependant, cela pourrait être une tâche difficile de trouver un tel entraîneur. Pour des raisons financières, les enfants sont généralement encadrés par des jeunes. Je suis passé par la même voie. J’ai commencé à entraîner à 17 ans. Au début, je faisais beaucoup d’erreurs. C’était bon pour moi car j’ai eu la chance d’apprendre de mes erreurs, mais certains de mes joueurs ont payés pour cela. Il n’y a pas suffisamment d’investissements financiers dans l’encadrement des jeunes pour que les entraîneurs expérimentés soient attirés pour y travailler. Dans le même temps, nous avons besoin que les jeunes entraîneurs apprennent et  progressent. Mais seulement ceux qui sauront apprendre quelque chose de la part des entraîneurs plus expérimentés, vont devenir de bons enseignants.

Cependant, tous les entraîneurs plus âgés ne sont pas nécessairement de meilleurs entraîneurs. Venons-en à la question clé : Comment un parent qui n’a jamais été joueur professionnel pourrait décider quel entraîneur est bon pour son enfant ? Tout d’abord, ni le parent, ni l’entraîneur ne doivent être attirés par des résultats immédiats. Deuxièmement, nous pouvons tous comprendre s’il y’a un équilibre dans le comportement de l’autre. Même si mon fils a reçu plus d’attention en termes de tirs, de temps de jeu, je devrais être méfiant. Parce que le traiter comme une superstar à 13 ans n’est pas un bon moyen de développer sa personnalité.

Supposons que je ne connaisse rien au basket-ball et que je doive choisir un entraîneur pour mon enfant. Les indicateurs les plus importants pour moi serait a) l’humeur de mon fils quand il rentre à la maison après les entraînements et b) le niveau de convivialité de son équipe quand je regarde leurs matchs. Si je vois que mon enfant rentre de bonne humeur et la plupart du temps heureux, et que son équipe joue avec solidarité, c’est pour moi le signe que vous voudrez peut-être rester avec cet entraîneur. Si, en revanche, il rentre frustré ou se comporte d’une façon étrange, il ferait mieux de partir et de trouver quelqu’un d’autre.

Filippo vit le basket-ball de l’intérieur. Il vient voir nos entraînements et nos matchs, il connaît tous les joueurs et, il est déjà un joueur dans un sens.

Les entraînements doivent être le moment où l’enfant est remis en question de manière constructive. Vous pouvez comprendre que ça fonctionne de cette façon, simplement en regardant votre fils après les entraînements. Pour parler de moi, si mon fils Filippo veut jouer au basket quand il grandira, il aura une pression supplémentaire à la fois pour lui et son entraîneur si je reste trop près. Donc, je vais devoir trouver un moyen de ne pas rester trop près, mais en même temps de ne pas rester trop loin de lui. Si je suis trop loin, il peut percevoir ce que je ne m’intéresse pas à lui. Il sera donc très difficile pour moi de trouver un équilibre à ce moment-là.

En ce moment, Filippo est fou de basket-ball. Il vit le basket-ball de l’intérieur. Il vient voir nos entraînements et nos matchs, il connaît tous les joueurs, il a ses maillots de match et les T-shirts du CSKA et, il est déjà un joueur dans un sens. Mais quand nous revenons en Italie, il joue un peu au football avec ses cousins. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas le presser de choisir le basket-ball plutôt qu’un autre sport.

rued0f4b4191fIl est heureux avec le basket-ball, au point que quand il est à la maison et qu’un de nos joueurs vient,  Filippo veut toujours jouer à deux contre deux. Il a ses habitudes. Il éteint la lumière et commence à introduire les joueurs: numéro quatre – Theo Papaloukas, numéro six – Nikos Zisis, numéro sept – Anatoly Kashirov (qui, soit dit en passant, est son joueur préféré)… Et ainsi de suite jusqu’au dernier, puis il allume la lumière, il fait un petit échauffement et puis nous pouvons enfin jouer. Pendant le match, il demande parfois un temps mort, va s’asseoir dans le coin ou fait tourner une serviette. Donc, en gros, il imite toutes les choses qu’il voit lors de nos matchs.

La partie difficile est quand parfois nous, sa mère ou moi, avions à le faire perdre. Nous avons réalisé que notre instinct naturel est plutôt de le laisser gagner. Nous devons le rendre plus réaliste. Honnêtement, il a été dramatique de lui faire perdre un match au début. Maintenant, il comprend enfin que perdre fait aussi partie du jeu, ainsi que de jouer mal parfois et de reconnaitre que maman ou papa a mieux joué.

Et donc quand il aura 12-14 ans, il aura plus de facilités à comprendre son environnement. Pour les jeunes, le sport est d’une grande aide pour développer leur personnalité. La raison en est très simple: le sport est une métaphore de la vie. Vous gagnez, vous perdez. Vous éprouver de la frustration si vous perdez ou de la joie si vous gagnez. Mais, si ce n’est pas votre profession, vous rencontrez tout cela gratuitement. Dans la vie normale, si vous rencontrez une défaillance (dans les relations, dans le travail ou à l’école ou dans tout autre domaine majeur), parfois il vous en coûte beaucoup. Le sport vous donne un peu de compréhension de la façon dont vous vous sentiriez dans la vraie vie si quelque chose de semblable vous arrivait. Ceci est le grand avantage de tous les sports. Donc, je voudrais que mon fils vive cela, de sorte qu’il soit plus prêt pour la vraie vie.

Jusqu’à ce que les enfants aient 12-13 ans, ce n’est pas seulement un sport, c’est plus un jeu. Par jeu, je veux dire quelque chose qui peut être joué avec beaucoup d’erreurs et qui devrait impliquer beaucoup de plaisir. C’est comme à l’école : lorsque vous commencez à lire, à compter ou à découvrir quelque chose de nouveau, vous éprouvez beaucoup de  plaisir. C’est plus un jeu pendant les 4-5 premières années. Ensuite cela devient plus sérieux et vous devriez commencer à demander aux enfants à être beaucoup plus attentif dans leur compréhension et leur apprentissage. Vous commencez à insister un peu plus pour organiser leur capacité à étudier.

Par exemple, dans le système scolaire italien la différence se fait sentir à partir de 10 ans. A dix ans, vous passez de l’école primaire à l’école moyenne, qui dure 3 ans et vous vous préparez à l’école secondaire. Et puis après 5 années de lycée vous allez au collège. Alors, bien sûr, pendant les 5 ans de l’école primaire, de 6 à 10 ans inclus, tout est un jeu. Même si vous commencez à introduire un peu de discipline.

Il n’est pas réaliste que votre enfant âgé de 10-12 ans vive comme un joueur professionnel en s’entraînant deux fois par jour.

Il en est de même dans le sport, on ne devrait pas enseigner les fondamentaux avant 10 ans. Pour sûr, vous pouvez enseigner à vos enfants à connaître leur corps grâce à l’utilisation de la balle : comment attraper, comment pivoter, comment courir avec le ballon, etc… En Italie, par exemple, nous avons le mini-basket (petite balle et les paniers sont placés plus bas) qui est surtout un jeu, pas un sport, à l’exception des situations où les entraîneurs insistent auprès des enfants pour gagner par tous les moyens, même en mini-basket. Ce qui est un abus à mon avis. En outre, le mini-basket c’est le plaisir de jouer où les enfants de moins de 12 ans peuvent jouer avec le ballon et participer à des concours.

J’ai entendu beaucoup de choses sur le système russe où les enfants ont un ou plusieurs entraînements par jour à partir d’un âge très précoce. Aux États-Unis, vous n’êtes pas autorisé à pratiquer plus d’un certain nombre d’heures par semaine. Et ils sont très stricts sur ce point, même en NCAA (championnat universitaire, ndlr). Je suis d’accord. Il n’est pas réaliste que votre enfant âgé de 10-12 ans vive comme un joueur professionnel en s’entraînant deux fois par jour.

Quand ils me demandent à quel âge il est préférable de commencer la formation comme un athlète professionnel, je réponds par une question: Quelle est l’importance de l’éducation scolaire de votre enfant? Quand j’entraînais de jeunes joueurs en Italie dans les années 80 (1978-1989) certains parents me disaient: «Prenez mon fils au gymnase aussi souvent que vous le pouvez, parce que je ne suis pas intéressé par l’école, je veux qu’il devienne un joueur professionnel ». En raison de la situation économique, de nombreuses familles voient, dans leurs enfants qui réussissent dans le sport, un moyen d’améliorer la qualité de leur vie. Je respecte cela. Mais en même temps, je crois toujours que l’éducation à l’école est très importante. Et ce ne sera jamais une bonne idée de la sacrifier.

Je respecte la PlayStation et l’iPod, mais il y’a autre chose.

Je crois que vous ne pouvez pas être un bon joueur intelligent, si vous n’avez pas étudié à un niveau minimum, si vous n’avez pas appris à utiliser votre cerveau. Au moins, en Europe. En NBA, c’est différent. Comme en Europe, le jeu est joué d’une manière plus sophistiquée, parfois je suis heureux de voir un de mes joueurs lire un livre, plutôt que de rester dans le gymnase après l’entraînement. Je suis très inquiet quand tout à l’extérieur du basket-ball pour eux se résume à leur PlayStation et leur iPod. Je respecte la PlayStation et l’iPod, mais il y’a autre chose dans la vie à côté de cela. Pour sûr, vous devez être une personne intelligente et instruite à jouer au plus haut niveau.

Donc la question est soit vous voulez que votre enfant soit bien à l’école au cas où sa carrière n’ait pas fonctionné soit vous voulez jouer à la loterie et tout sacrifier pour sa carrière d’athlète professionnel. Si vous voulez qu’il fasse des études, il ne peut pas pratiquer deux fois par jour jusqu’à ce qu’il ait terminé ses études. C’est très simple.

En ce qui concerne les fondamentaux à développer jusqu’à 16-17 ans, la chose la plus importante à vérifier est la coordination et l’équilibre. Je ne serais pas aussi pointilleux avec toutes les autres choses. Alors, évidemment, vous leur apprenez à attraper, comment passer, comment tirer, comment dribbler, comment se déplacer sans le ballon. Mais s’ils n’ont ni équilibre ni coordination, il est difficile pour eux de devenir de bons joueurs de basket-ball. Par exemple, Ricky Rubio dispose d’un grand équilibre, de coordination et de rapidité, ce qui l’aide énormément. Cela lui donne un grand avantage. C’est étonnant que la Joventut parvienne à former autant de jeunes joueurs année après année. Pour sûr, leur système mérite d’être étudié.

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